Aux origines du tourisme équitable
En Casamance dans les années 1970, Adama Goudiaby fonctionnaire sénégalais et Christian Saglio sociologue français,  marquèrent avec le Tourisme Rural Intégré, une autre manière de penser et faire cette pratique populaire née au lendemain de la seconde guerre mondiale : le Tourisme.
Dans les années 70, en Casamance, les touristes restaient cantonnés dans leurs luxueux hôtels bordant la plage sans aucun contact avec l’intérieur des terres. Les rares excursions étaient toujours concentrées sur quelques villages diolas « pittoresques » qui entrainaient une lassitude croissante de la population ainsi qu’un phénomène d’acculturation latent avec une dégradation des structures sociales du village perçue comme archaïque. Les aspects culturels du riche patrimoine casamançais se limitaient à quelques danses folkloriques au bord de la piscine des hôtels touristiques grand standing du Cap Skirring. C’est ce triste tableau qui à incité Adama Goudiaby et Christian Saglio à penser une nouvelle forme de tourisme où la population rurale pourrait jouir de la présence de ses hôtes : ainsi naquirent les campements villageois intégrés du Sénégal.
Il s’agissait alors de créer des auberges rurales construites, animées et gérées par la population villageoise
Avec une architecture authentique respectant le bâti local et des matériaux de construction naturels (argile, bois, paille), au confort simple mais fonctionnel. Tous les postes de fonctionnements étaient pourvus localement et un conseil villageois en assurait la gestion. Les voyageurs se trouvaient dans le village originel : à la rencontre de sa population, facilitant dialogue, échanges et connaissances. Idée totalement novatrice à l’époque et précurseur du tourisme équitable et solidaire…
Une valorisation de la culture
Séjourner dans une auberge rurale implique par définition une découverte culturelle. En effet, plongé au cœur de la typicité des villages diolas, le voyageur entre en immersion et découvre les traditions locales auxquelles il est invité à participer. Toutefois, aucune folklorisation des cultures n’est observable dans la mesure ou les évènements culturels sont programmés en présence ou non de touristes, ces derniers n’étant pas le public prioritaire de ces manifestations. Les auberges rurales ne sont pas fermés à la population, on peut même y trouver des puits ou des boutiques destinés à l’utilisation des habitants. Ainsi ces établissements sont fréquentés tant par des touristes que par des villageois et de là émerge un échange nord-sud profitable à tous : du point de vue du voyageur qui augmente ses connaissance culturelles et sociales de la Casamance ; du point de vue des habitants qui bénéficient directement ou indirectement des retombées économiques et ont une occasion d’échanger avec des étrangers.
Également, le voyageur sera hébergé le plus souvent dans une construction d’inspiration traditionnelle mais adaptée aux exigences des voyageurs « modernes ». Par exemple, il pourra dormir dans une Maison à impluvium à Enampor et Affiniam ou dans une Case à étage à Oussouye tout en bénéficiant d’un confort bien réel.
Construit en matériaux locaux (banco, bois locaux, pailles, etc.), un soin particulier est apporté à l’intégration paysagère et écologique de ces bâtiments. La faible dimension de ces constructions leur permet aussi de limiter l’impact écologique (consommation d’eau, rejets de déchets, etc.) mais également de restreindre le flux touristique (capacité de charges) et ainsi d’éviter un « choc culturel » du point de vue des villageois.
Des prestations de qualité
L’ensemble du réseau des auberges rurales a fortement subi la crise économique et de fréquentation touristique qu’a connu la Casamance ces dernières années. Ainsi, la majeure partie d’entre eux n’ont pas pu faire face à des contraintes d’entretien par manque de liquidités, les infrastructures ont de ce fait beaucoup vieilli. Au milieu des années 2000, au moment ou des espoirs fondés de voir la Casamance à nouveau fréquentée naquirent, il a donc été décidé par divers organismes d’appuyer la remise à niveau des campements villageois : principalement grâce à l’appui de la Coopération française via le Projet FSD-Casamance du Service de Coopération et d’Action Culturelle auprès de l’Ambassade de France, mais aussi grâce à celui de la Coopération allemande. Ces récents travaux ont permis une réelle remise à niveau permettant de répondre aux standards de confort actuels. Concrètement, quatre campements villageois sont désormais en mesure de proposer un hébergement avec sanitaires privatifs tandis ceux qui proposent des sanitaires en commun ont eu l’occasion de réhabiliter ces derniers.
La raison d’être
Un séjour en Casamance sous la forme du tourisme rural intégré a pour principe notamment de redistribuer l’intégralité des bénéfices générés par l’activité d’hébergement du village. Précisément, pour la plupart des campements, depuis la structuration du réseau, 45% des bénéfices sont alloués à la rémunération du personnel et les 55% restant servent à financer ou cofinancer :
– des actions de développement variées dans les domaines éducatif, sanitaire ou économique (construction de cases de santé, salles de classe, maternité, projet de maraichage, jardin des femmes, etc.)
– des évènements tels que des fêtes traditionnelles permettant de maintenir du lien social au sein des villages
– des obligations foncières comme le paiement de la taxe rurale
Ayant permis la réalisation de nombreux projets de ce type, ces campements représentent de réels outils de développement pour les villages.
D’après La Coopération Française de Ziguinchor et Essai d’intégration sociale et culturelle du phénomène touristique Unesco/Bird Christian Saglio 1976