L’architecture otammari
Somba (bon maçon) est le nom générique retenu autrefois pour désigner les Bètiabè, les Bètammaribè et les Bèsorbè. L’’ensemble de ces groupes socioculturels vivent dans la montagne et le piémont occidental de la chaine de l’Atakora au nord du Bénin et Togo. Tous ces peuples ont adopté la forme architecturale des Takienta : avec ses tourelles réunies par un haut mur d’enceinte, l’habitation otammari a un aspect de bâtiment fortifié. Les tirailleurs soudanais lui donnèrent le nom de tata, nom qui était communément donné en Afrique de l’Ouest à tout ouvrage, murs ou murailles, à vocation défensive, d’où l’appellation commune de tata somba ou tata tamberma. Mais, si cette forme a effectivement eu un probable rôle défensif, peut-être même simplement contre les animaux sauvages, c’est là une vision bien restrictive.
L’architecture otammari est originale et élaborée en parfaite correspondance avec la culture et les croyances de ses habitants. Cette architecture obéit à des règles de conception mêlant profane et sacré. Rien n’est hasard. Tout est, soit adapté à une fonction, un signe, un symbole. L’habitat présente une dualité mâle femelle marquée par une séparation selon l’axe Est-Ouest. La moitié Sud, la droite, est à la fois celle du sacré et celle de l’homme. La moitié Nord, la gauche, est celle de la femme. Cette séparation se retrouve au niveau de l’appropriation des espaces et même des greniers. Ainsi, du côté Sud, on a le grenier rempli de graines à connotation masculine (fonio, millet, sorgho, riz) et du côté Nord le grenier femelle (haricots, pois de terre, fruits, arachides). La façade de l’habitation, où se trouve la porte, est toujours orientée vers l’Ouest, à l’abri des pluies dominantes et de l’harmattan qui souffle de novembre à février.
L’habitation avec ses dépendances (greniers, étable, poulailler, ruche) est concentrée en un seul corps de bâtiment. Elle se présente toujours comme un ensemble de tourelles, circulaires ou ellipsoïdes ou encore carrées, reliées entre elles par des murs qui délimitent une vaste salle au rez-de-chaussée et une grande terrasse à l’étage, sur laquelle donnent les chambres à coucher.
L’habitation n’a qu’une seule entrée, ce qui permet un bon contrôle et renforce l’aspect défensif. Cette porte donne accès à la maison au travers d’une tourelle qui délimite, au rez-de-chaussé un premier vestibule contenant des mortiers et des meules à grain et, à l’étage, une chambre ou bien une cuisine.
Le rez-de-chaussée abrite les autels des ancêtres, les outils, les animaux (bétail et volailles) qui logent dans les pièces délimitées par les tourelles, les murs extérieurs et des murets de séparation. De part et d’autre de l’entrée se trouvent les deux tourelles qui sont surmontées des greniers. Au centre se trouve la tourelle qui est surmontée de la chambre de la femme. L’accès à l’étage se trouve du côté gauche de la porte principale. Un premier escalier donne accès à une pièce intermédiaire qui sert de cuisine en cas de pluie, située aussi dans une tourelle. De là , on accède à une terrasse intermédiaire, puis à l’étage proprement dit en gravissant un troisième escalier.
L’étage est composé principalement d’une grande terrasse. C’est par cette terrasse que l’on accède aux parties supérieures des tourelles qui sont soit des greniers, soit des chambres, et souvent, les deux superposés. En général, les greniers sont positionnés au-dessus de la terrasse et le plancher des chambres en dessous de la terrasse. On y accède par une ouverture ménagée dans leur partie supérieure, protégée par un chapeau indépendant de la couverture principale, et à laquelle on accède par un escalier taillé dans une fourche de bois. La terrasse est l’espace de vie principal de la maison. Il sert au séchage des grains, à la préparation des repas et à toutes sortes d’activités journalières. C’est aussi l’endroit le plus agréable où l’on peut dormir pendant les périodes de grandes chaleurs.
Chaque Takienta est complétée par un abri qui est un lieu de réception convivial. Il est fait d’une structure de poteaux et poutres en bois surmontée de paille, parfois remplacé par une plateforme positionnée sous un arbre. C’est sur cet abri que l’on stocke et fait sécher le sorgho qui vient d’être récolté.
Des greniers complémentaires sont aussi positionnés à l’extérieur. Ils ont la même forme que ceux situés sur la terrasse, mais sont simplement placés sur un socle fait de branches positionnées sur des fourches permettant à la base d’être protégée des eaux de ruissellement.
D’après Mme Suzanne Preston Blier The Anatomy of Architecture. Ontology and Metaphor in Bètammaribè Architectural Expression, Cambridge University Press, 1987.